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Éric DuboulozÉric Dubouloz

Poussières de bois et rayons UV

23.08.2012

Deux projets de recherche de l’Institut universitaire romand de Santé au Travail (IST) livrent de nouvelles connaissances sur la prévention du cancer. L’un concerne les poussières de bois produites par les machines de menuiserie, l’autre l’exposition des travailleurs en plein air aux UV. 

Ces recherches ont été présentées jeudi à Berne par le syndicat Unia et le groupe agrotechnologique Syngenta, qui les a financées. Un projet cible le cancer cutané consécutif à l’exposition aux rayons UV. La Suisse est un des pays qui totalise le plus haut taux de ce type de cancers en Europe, avec 15’000 cas par année, dont 10% de mélanome malin, le plus grave.

La prévention a jusqu’ici ciblé principalement les baigneurs mais les travailleurs de la construction, agriculteurs et autres viticulteurs sont tout autant concernés, a indiqué devant la presse le responsable de ces recherches David Vernez, de l’IST.

Les ouvriers en extérieur sont 3 à 5 fois plus exposés à ces risques que les autres travailleurs. L’IST a développé un outil d’imagerie qui permet de mesurer sur un mannequin numérique les expositions aux rayons UV selon les postures et les vêtements de protection. Les données d’irradiation sont fournies par MétéoSuisse.

Irradiation diffuse

Les scientifiques ont eu la surprise de constater que l’irradiation directe, celle qui provoque des coups de soleil, n’entre que pour une faible part – moins d’un quart – dans la dose journalière. «En terme de vieillissement de la peau, la part diffuse de l’irradiation a une influence énorme», a expliqué M. Vernez.

Le mannequin virtuel permet également d’analyser la distribution anatomique de l’irradiation et de comparer ensuite ces données avec la localisation des cancers d’après les registres des tumeurs, a ajouté le spécialiste.

Par ailleurs, un tel outil peut être très utile pour la prévention car «il permet de montrer clairement aux employeurs les effets du rayonnement», a dit Brigitta Danuser, directrice de l’IST, institut affilié aux universités de Lausanne et Genève.

Poussières de bois

Les poussières de bois représentent elles la troisième cause de cancers induits par le travail. Environ 80’000 personnes y sont exposées en Suisse, menuisiers et charpentiers surtout, a indiqué Evin Danisman, responsable de projet à l’IST.

Les travaux ont montré que la chaleur dégagée lors de l’usinage du bois génère des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) pouvant provoquer le cancer naso-sinusien. C’est une maladie rare – 60 à 80 cas par an en France, par exemple – avec un temps de latence élevé de 30 à 40 ans. Menuisiers et ébénistes sont touchés 40 fois plus que les autres professions.

Les chercheurs ont mesuré les niveaux d’exposition d’une trentaine de travailleurs du bois aux HAP, ainsi que les marqueurs de génotoxicité dans les cellules buccales et nasales. Ils ont également testé différents types de bois dans une chambre expérimentale.

Résultats: la plupart d’entre eux travaillent dans des atmosphères dépassant les 2 mg/m3 de poussières recommandés par la SUVA. Un maximum a même été mesuré à 168 mg/m3, a relevé Mme Danisman.

Or un simple masque de protection suffit à se protéger de telles poussières. Un bon entretien des machines permet également d’abaisser la température lors de la coupe et donc les émanations de HAP, a-t-elle ajouté.

Suites du Galecron

Ces travaux ont d’ores et déjà fait l’objet de publications dans des revues scientifiques, «Frontiers in Oncology» pour les poussières de bois, ainsi que «Photochemistry and Photobiology» et «British Journal of Dermatology» pour les UV.

Ils sont le fruit d’un accord qualifié d’»exemplaire» conclu en 2006 entre Syngenta et Unia dans le but d’améliorer la prévention de cancers induits par le travail. Cet accord faisait suite aux cas de cancer de la vessie peut-être liés à la production dans les années 70 et 80 de l’insecticide Galecron par Ciba-Geigy (aujourd’hui Syngenta) à Monthey (VS).

Unia a accompagné la réalisation du projet en facilitant les contacts et les échanges avec les branches professionnelles intéressées. Le syndicat va maintenant s’investir pour que ces résultats aboutissent à une sensibilisation et à des mesures de prévention concrètes dans les branches concernées, a conclu Dario Mordasini, spécialiste Unia de la protection de la santé et de la sécurité au travail.

Comme lors de l’accord de 2006 sur l’aide financière accordée par Syngenta aux possibles victimes chablaisiennes du Galecron, le montant dévolu à ces recherches n’a pas été communiqué.

Source: Tribune de Genève

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